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@ -117,33 +117,37 @@ La seule limite à l'action de l'État lui est imposée par la société civile
## L'idéologie du contrôle
Toujours dans cet article explicatif de l'application {% cite sportisse_figaro %}, les débats sont ramenés à une guerre entre science et idéologie :
Face aux objections on {% cite sportisse_figaro %} a pu invoquer la (spécieuse) opposition entre science et idéologie :
> Dans ce contexte, les débats sur les avantages supposés dun système parce quil serait décentralisé vis-à-vis dun autre système parce quil serait centralisé ne me semblent pas relever <strong>du champ de la rigueur scientifique</strong>. [...] <strong>Ce sont des analyses scientifiques</strong>, par définition vérifiables et se prêtant à une discussion, qui permettent de le démontrer, <strong>pas des considérations idéologiques ou des a priori sémantiques</strong>.
Au contraire, la question de la décentralisation fait bien parti du champ de la rigueur scientifique. Pas nécessairement au sens qu'on lui donne dans la comparaison entre ROBERT et DP-3T, qui au final font tous les deux appel à un service de l'État et sont donc "centralisés".
Rappelons qu'il existe tout un domaine de recherche sur les réseaux d'anonymat, souvent appelés à tort Darknet, dont le logiciel Tor {% cite dingledine_tor_2004 %} est le plus connu (+ de 4000 citations par d'autres articles scientifiques). Ces outils reposent sur la décentralisation et la dilution du pouvoir entre les utilisateurs.
Ils pouraient servir à informer anonymement les personnes ayant été en contact avec un malade sans nécessiter l'intervation de l'État ou de tout autre acteur.
Parce qu'il existe tout un pan de recherche sur les réseaux d'anonymat, souvent appelés à tort Darknet, dont le logiciel Tor {% cite dingledine_tor_2004 %} est le plus connu (+ de 4000 citations par d'autres articles scientifiques). Il y est bien question de décentralisation et de partage de la confiance dans ces derniers. Et ces articles sont bien en lien avec le problème qu'on essaye de résoudre, informer anonymement de mon infection les personnes avec qui j'ai été en contact récemment. À aucun moment l'État n'a besoin d'être un acteur ou un intermédiaire dans ce processus. Pourtant, que ce soit ROBERT, DP-3T ou BlueTrace, les trois applications ajoutent un service géré par le gouvernement en intermédiaire.
Pourquoi, alors, faire le choix d'impliquer l'État ?
Les considérations techniques ne sont pas seules à peser dans la balance : nul doute que des considérations idéologiques, qui ne disent pas leur nom, ont guidé la conception de ROBERT. Sans cela, il serait difficile de comprendre l'oubli des 426 000 résultats sur Google Scholar pour "anonymity network", de l'expérience des activistes et des lanceurs d'alerte qui utilisent le réseau Tor depuis 2004, de la recherche sur l'anonymat en cryptographie à commencer par l'article fondateur *Untraceable Electronic Mail, Return Addresses, and Digital Pseudonyms* {% cite chaum_untraceable_1981 %}, publié en 1981.
Je me demande donc pourquoi il a semblé si impérieux à l'État de se poser comme intermédiaire ?
Les choix techniques retenus et l'impasse faite sur l'ensemble des articles sur l'anonymat (426 000 résultats sur Google Scholar pour "anonymity network") ne seraient-ils pas gouvernés *par des considérations idéologiques*, plus particulièrement une idéologie du contrôle ? Que si le réseau Tor n'a pas été retenu bien qu'éprouvé depuis 2004, utilisé par des activistes et des lanceurs d'alertes, où aucune entité du réseau ne peut désanonymiser une communication, c'est parce qu'il était hors de contrôle de l'État ? Que si la recherche sur l'anonymat en cryptographie a été ignorée, dont l'article fondateur est *Untraceable Electronic Mail, Return Addresses, and Digital Pseudonyms* {% cite chaum_untraceable_1981 %}, publié en 1981 et qui a engendré un domaine de recherche fécond, ne serait-ce pas par manque de considération pour l'anonymat justement ?
## Toutes les solutions ne sont pas bonnes à prendre
Si tenté qu'une telle solution soit déployée, elle nécessiterait l'acquisition d'un smartphone par les 24% de la population qui n'en a pas {% cite noauthor_list_2020 %} afin d'atteindre une couverture acceptable ainsi que des tests systématiques, ce qui n'est pas le cas. Il faudrait également une organisation très différente, pour qu'une personne ayant été en contact avec une personne confinée puisse s'isoler.
Mais c'est encore en supposant qu'une telle application fonctionne. Aujourd'hui, encore beaucoup de problèmes techniques ne semblent pas résolus ni résolvables (les résultats du Bluetooth sont de mauvaise qualité, la durée de vie de la batterie réduite, il est difficile de faire fonctionner une application en arrière-plan, les téléphones fonctionnent tous de manière un peu différente, etc,). Enfin, quand bien même les problèmes techniques seraient relevés, rappelons-nous que le virus de ne se propage pas par Bluetooth (la technologie utilisé par les téléphones pour savoir si ils sont proches). Il est donc incertain qu'une proximité Bluetooth soit suffisament corrélée avec un risque de transmission.
Dans l'hypothèse du déploiement d'une telle solution, comment gérerait-on le fait que 24% de la population ne dispose pas d'un smartphone {% cite noauthor_list_2020 %} ? Cette hypothèse implique aussi qu'un certain nombre de problèmes techniques auront été résolus : les résultats du Bluetooth sont de mauvaise qualité, la durée de vie de la batterie réduite, il est difficile de faire fonctionner une application en arrière-plan, les téléphones fonctionnent tous de manière un peu différente, etc.
Rappelons aussi une évidence : le virus ne se propage pas par Bluetooth, la corrélation entre une proximité Bluetooth et la transmission effective du virus reste incertaine. Elle ne fait, à ma connaissance, l'objet d'aucune étude scientifique sérieuse.
> Dabord, comme tout projet scientifique, ce protocole va être soumis à la critique de ses pairs. Cela nécessite une démarche douverture : larticle scientifique est mis à disposition de la communauté scientifique sous Github.
Sous l'illusion de l'ouverture et de l'échange annoncée {% cite sportisse_figaro %}, à l'heure actuelle, aucune critique ou information remontée n'a fait l'objet d'un retour, d'une explication ou d'une modification de la part de l'équipe en charge du projet. D'ailleurs, cette application est déjà très loin de faire l'unanimité au sein d'Inria, et un groupe de chercheurs a mis en ligne un site web pour lister tous les risques inhérents à l'existence d'une application de traçage (risques qui vont bien au delà de ceux mentionnés dans cet article) {% cite vuillot_15_nodate %}.
Nous souhaitons tous trouver une solution rapidement pour sortir de cette crise, parfois même au prix de nos libertés. À mon avis, l'application de *tracking* StopCovid est une fausse solution et une vraie menace. Elle permet des effets d'annonce pour faire oublier le manque de masques et de tests, elle permet d'accroitre le contrôle de l'État sur les populations, elle nous donne l'impression de reprendre le contrôle sur cette crise qui nous dépasse mais elle ne nous protègera pas du coronavirus. Et gardons en tête l'effet cliquet : l'exceptionnel d'aujoud'hui deviendra la norme de demain.
Certes les concepteurs de ROBERT sont tout à fait disposés à se soumettre à l'évaluation par les pairs {% cite sportisse_figaro %}, mais à l'heure actuelle il reste difficile de dialoguer avec eux.
Les inquiétudes soulevées dans ce billet de blog n'ont pour l'heure, pas reçues de réponse.
D'autres risques, inhérent au *tracking* ont également été réferencés sur le site web [risques-tracage.fr](https://risques-tracage.fr/) {% cite vuillot_15_nodate %}. À ma connaissance, les solutions proposées ne proposent aucune garanti quant à ces derniers.
À mon avis, lapplication de tracking StopCovid est une fausse solution et une vraie menace.
L'annonce de sa mise en oeuvre vise sans doute à nous fair oublier le manque de masques et de tests.
Pour retrouver un sentimenent de contrôle, en cette période de crise, nous serions prêt à adopter des solutions extrêmes, sacrifiant au passage nos libertés.
Gardons la tête froide et prenons garde à ce que l'exceptionnel d'aujourd'hui ne devienne pas la norme coercitive de demain.
En conclusion, la solution ROBERT ne garantit pas l'anonymat des utilisateurs, parce qu'elle transmet une donnée d'identification : l'adresse IP. Elle suppose pour les utilisateurs de faire confiance à l'État pour ne pas manipuler les données émises (et assigner à résidence des personnes non exposées au risque mais dont l'action déplait à l'État). Cette confiance devrait être donnée dans un contexte de crise sanitaire et politique, alors que l'État fait régulièrement un usage immodéré voire illégal de la force {% cite noauthor_lassignation_2015 %}. Il existe pourtant des outils tout à fait à même d'assurer le service de StopCovid sans exposer les utilisateurs : encore faut-il en avoir la volonté.
Il restera ensuite une dernière chose à prouver : l'utilité des applications de tracking.
**Il restera ensuite une dernière chose à prouver : l'utilité des applications de tracking.**
*Je remercie Ophélie pour son aide précieuse lors de l'écriture de cet article.*